AMAP d’Autan - Jacques Dezeuze

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Manger local ?

Se nourrir exclusivement de produits locaux : l’expérience de Stéphane Linou

mardi 23 juin 2009, par Didier

Stéphane Linou a participé à la création de l’Amap’Monde à Castelnaudary dans l’Aude. Depuis le 9 septembre 2008, il a décidé de faire l’expérience pendant un an, d’une alimentation locale. En clair, il ne consomme que des aliments produits dans un rayon de 150 kilomètres autour de chez lui. Il veut sensibiliser les citoyens et leurs élus sur la fragilité de leurs approvisionnements. Stéphane pense que les « villes sont sous perfusion » ou plus simplement dans la « dépendance alimentaire ».

Voir en ligne : Les cafés géo

Les cafés géo, article de Gilles Fumey : http://www.cafe-geo.net/article.php3 ?id_article=1587

On dira : cette dépendance a existé pour des milliards de Terriens qui ont vécu loin de la terre. Mais aujourd’hui avec l’urbanisation, elle prend des proportions inquiétantes : « Que ferions-nous en cas de guerre, de longue crise pétrolière, argumente Stéphane ? Croyons-nous que nous échapperions aux famines ? » A-t-il tort quand la pauvreté s’étend au Royaume-Uni où les prix alimentaires ont augmenté de plus de 10% en 2008 ? D’où la question : « Pourquoi aller chercher à des milliers de kilomètres ce qu’on peut produire ici ? » Stéphane habite la région de Castelnaudary dans l’Aude, des cantons pas vraiment défavorisés... De ses années d’études à Toulouse, il a pu constater que « la ville avait tout bétonné ». Et en reliant cette perte à ce qu’il apprend de New York où des citadins se tournent vers les agriculteurs, il pense que Castelnaudary en troisième couronne toulousaine pourrait sauver ces terres.

En bon aménageur qu’il est devenu comme agent de développement local, Stéphane Linou analyse les choix politiques qui ont conduit l’agriculture productiviste. Les entreprises privées de l’industrie agroalimentaire et de la distribution sont devenus les principaux acteurs de l’alimentation. De ce système, il ne veut pas. Le géographe rebelle cherche des paysans maraîchers pour organiser ses associations. Il s’inquiète du sous-nombre de producteurs locaux : « C’est la croix et la bannière pour trouver des maraîchers qui puissent alimenter nos Amap. Mais actuellement, ce sont cent familles qui sont nourries à Castelnaudary par des paniers paysans, du pain, du vin et du fromage local ». En septembre 2008, le voici devenu un « locavore ». Quelqu’un qui veut montrer qu’on peut se nourrir uniquement de produits de proximité. A condition de faire une croix sur le chocolat, le thé, les bananes... Mais que de plaisir trouve-t-il à offrir ses propres trouvailles ! La Karland, bière du Tarn, qu’il est autorisé à boire au Café de l’industrie, les conserves qu’il fait chez lui... Coquetterie ou radicalisme : Stéphane mange même local lorsqu’il se déplace comme en Normandie où il flambe des coquilles saint-jacques avec du calva. Et il peut compter ses amis qui font même des repas « locaux » pour lui... Stéphane Linou veut garder « la richesse sur le territoire » et faire du bassin chaurien (de Castelnaudary) le « potager de Toulouse ». Il apparente son action au commerce équitable. En aidant le lycée de sa ville à concevoir un « menu local », il ne fait que retrouver ce qu’il estime avoir perdu : la possibilité de choisir une alimentation « raisonnable, qui ne parcourt pas 4500 km avant d’arriver sur la table ». Sur France 2, c’est Jean-Louis Borloo qui soutient notre rebelle des supermarchés lorsqu’il prouve que les produits de grandes surfaces sont « 50% plus chers que ce qu’il a trouvé chez ses maraîchers, et en plus d’une qualité dont je ne voudrais pas dans mon assiette ». Tout cela fait sourire les sceptiques car l’expérience n’est pas reproductible. La question n’est pas là, même s’il faudra bien prendre la mesure d’une « insécurité alimentaire » régionale. La question est de savoir si des modèles alternatifs à l’agriculture actuelle sont possibles ? Elle n’est pas nouvelle. La méfiance vis-à-vis de la chimie a touché les Etats-Unis et le Japon depuis la fin des années 1950. L’idée de la provenance géographique existe bien au Japon dès 1965 avec les premiers Teikei, autrement dit « nourriture avec visage du fermier dessus » et avec déjà l’exigence de produits campagnards. Dans les pays alpins comme la Suisse, ce sont des food guilds, fermes communautaires qui inspirent des agriculteurs et consommateurs étatsuniens de la Community Supported Agriculture (CSA) qui devient au Canada, le « fermier de famille ». Plus de mille CSA essaiment en Amérique du Nord qui inspire à son tour des producteurs varois, danois, hollandais, hongrois, néo-zélandais. Beaucoup d’obstacles demeurent à l’extension de ces associations, mais leur modèle peut évoluer et inspirer de nouvelles exigences chez les mangeurs. L’autre scepticisme sur l’expérience de Stéphane Linou est le temps qu’il passe à se nourrir : « Je passe surtout beaucoup de temps à... dire ce que je fais. Et le réseau qui est entrain de naître, c’est du temps, mais un temps précieux. A quoi sert-il de toujours courir ? » Nous avons pris des nouvelles de Stéphane Linou cette semaine : il va très bien physiquement. Ses deux derniers bilans de santé sont excellents, même s’il admet avoir eu une petite poussée de cholestérol en fin d’année, ce qui est bien normal quand on habite le fief du cassoulet et la région qui produit le plus de gras en France. Ses reins fonctionnent très bien et le vin de la région fait merveille sur son tonus. Que compte-t-il faire le 9 septembre 2010, lorsqu’il aura achevé son année ? « Une petite fête sans doute. Et rempiler, dit-il, car j’ai des engagements avec le lycée et mes proches sont devenus des militants locavores... » « Voici donc arrivé le temps du commerce équitable Nord-Nord », conclut-il. Et comment la jeunesse qu’on dit blasée et passive, veut changer le monde.

Gilles Fumey

Pour en savoir plus :

 A la télévision : interview de S Linou http://info.francetelevisions.fr/video-info/player_html/index-fr.php ?id-video=MAM_2218_200903171348_F2&chaine=&id-categorie=&ids=*  Son site internet : http://www.mangeonslocal.fr/  Les AMAP dans l’alimentation, une nouvelle forme de rapports consommateurs-producteurs http://www.cafe-geo.net/article.php3 ?id_article=1565 Le Midi français serait-il la terre de la reconquête de nos assiettes ?(Hôtellerie et Restauration, 31 mars 2009) Nîmes (Gard) Le 1er Forum militant du goût, organisé par les chambres consulaires du Gard (CCI de Nîmes, CCI d’Alès-Cévennes, Chambre de métiers et d’artisanat du Gard) a eu lieu le 30 mars, pour promouvoir les circuits d’approvisionnement courts entre producteurs et professionnels des métiers de bouche engagés dans une démarche qualité. Ces derniers ont pu participer à des ateliers pratiques de cuisine du terroir et rencontrer les exploitants pour négocier d’éventuels contrats commerciaux. Puis les apprentis du CFA de Marguerittes, hôte du salon, ont présenté la mention ‘Art de la cuisine allégée’ sous forme d’une démonstration suivie d’une dégustation. Une centaine de professionnels avait répondu à l’invitation. Cette démarche ‘Militant du goût’ consiste à valoriser les produits de terroir gardois et les filières qui les utilisent. Toute labellisation ‘Militant du Goût’ nécessite le respect d’un cahier des charges strict notamment en matière d’hygiène, de production, de traçabilité, et de respect de la saisonnalité.


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